Dans l'idée de la plupart des Occidentaux, l'arabe est une langue qui semble pratiquée uniformément d'un bout à l'autre du monde arabe. Quand j'ai commencé, enthousiaste, à apprendre cette langue, je pensais qu'elle m'ouvrirait les portes du monde arabe tout entier ; ce n'est qu'une fois que j'ai commencé à étudier et à discuter avec des amis arabophones que je me suis rendu compte que la réalité était plus complexe. Du coup, j'ai entrepris d'apprendre parallèlement et l'arabe dit "littéral" ou "littéraire", et l'arabe dialectal égyptien.
En effet, on distingue plusieurs formes d'arabe, qui ne sont pas toutes utilisées partout, et pas toutes dans le même contexte.
Il y a d'abord l'arabe coranique, qui est la langue du Coran, la langue religieuse en quelque sorte ; c'est une forme historique de l'arabe, pour faire simple, qui n'est plus utilisée qu'en contexte religieux. La plupart du temps, seules les personnes ayant fait des études religieuses le comprennent totalement, en tout cas dans de nombreux pays où il diffère beaucoup de la langue courante.
Ensuite, il y a ce qu'on appelle l'arabe "littéral" ou "littéraire", qui est l'arabe écrit. C'est en quelque sorte une langue commune au monde arabe, pour simplifier là encore, qui est très proche de l'arabe pratiqué dans la péninsule arabique (Arabie Saoudite, Emirats, etc.), mais en diffère par certains aspects. C'est l'arabe qui est enseigné dans les écoles, qui est utilisé pour écrire dans les journaux, etc.
Enfin, il y a les différents dialectes arabes, qui sont parlés dans différentes zones ou même certains pays. Il y a en gros trois grandes familles de dialectes : ceux de l'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye), ceux du Proche-Orient (de la Syrie à l'Egypte) et ceux du Moyen-Orient (Iraq, Koweit, péninsule arabique). Je rappelle au passage que les Iraniens parlent le persan, non l'arabe, et que le turc est une langue non apparentée à l'arabe, mais venue d'Asie Centrale. A l'intérieur de chacun de ces groupes, il y a des variantes : par exemple, même s'ils sont proches, les dialectes égyptien et libanais sont différents.
Ce qui signifie que dans le monde arabe, en gros, on lit l'arabe littéraire et on parle en arabe dialectal de la zone où on habite. Les différences ne sont pas toujours minimes. Si certaines portent sur la prononciation, comme nous en reparlerons, il y a aussi des mots et expressions qui sont propres à chaque dialecte. Evidemment, si vous parlez en arabe littéraire, il y a de grandes chances qu'on vous comprenne ; mais cela risque de faire sourire, même si on sera content que vous fassiez l'effort de parler arabe. Donc pour lire l'arabe et acquérir les bases du fonctionnement de la langue, il est utile d'apprendre l'arabe littéraire ; par contre, pour pouvoir parler avec les gens et se débrouiller dans des situations de la vie quotidienne, il faut apprendre au moins le plus courant en arabe dialectal. Difficile, tout ça ? Mais non, vous verrez, c'est passionnant. Pour bien entendre les différences entre les dialectes, un excellent moyen est d'écouter de la musique orientale venant des différents pays du monde arabe ; très vite, votre oreille se fera aux différences de prononciation...
Par exemple, la consonne arabe jîm ( -j ) se prononce en principe -j (comme dans le français "jeu") en littéraire, mais -dj dans la plupart des dialectes et -g (toujours dur, comme le français "guetter") en égyptien : jamîla ("jolie") se prononce "jamila" en littéraire, "djamila" dans de nombreux dialectes et devient "gameela" en égyptien ("gamila"). Un homme se dit rajul en littéraire, mais ragel ("raguèl") en égyptien. La différence est minime, mais il faut connaître ces variantes pour s'y retrouver...