Surprenant, le dernier album de Natasha Atlas, sorti en 2006, à plus d'un titre. Déroutant au premier abord, presque jusqu'au rejet avec certaines chansons. Et puis on se laisse dans l'ensemble convaincre. Comme à son habitude, Natasha propose une rencontre entre musique orientale et autres mondes musicaux, tout en affirmant la diversité de ses racines orientales. Je dois avouer que tout n'est pas de mon goût dans cet album, mais après tout c'est une affaire de goût. Musique orientale et R&B, musique brésilienne et chant oriental, mais aussi un mélange de gnawa et de musique sa'idi, réminiscences persanes... La pochette est comme souvent partie intégrante de la surprise. Le kitsch auquel Natasha nous a souvent habitués est ici mesuré et l'ensemble à mon sens assez réussi. En couverture, Natasha apparaît vêtue dans la tradition bédouine, avec le niqab bedawi : provocation à l'heure où le voile soulève tant de controverses en Europe ? En tout cas, indication que le tout reste résolument ancré dans la musique orientale. Le livret s'orne de fleurs aux tons roses avec des calligraphies arabes, sur fond blanc ; sobre et efficace. Et à l'arrière, Natasha glisse un clin d'oeil, posant sur sa tête l'un de ces choux qu'on est étonné de trouver dans les campagnes égyptiennes quand on y va pour la première fois, tant ce légume nous paraît résolument occidental... Les chansons, maintenant, bien sûr, c'est l'essentiel ! « Oully ya Sahbi » est un duo avec Sofiane Saidi, sur fond de flûte et guitare. Une chanson douce, servie par une rencontre intéressante entre deux voix. Sincèrement agréable. Sofiane Saidi est un chanteur d'origine algérienne qui propose lui aussi une rencontre entre musique orientale et musique occidentale ; il explique qu'il a été fortement influencé par la musique égyptienne, en particulier Oum Kalthoum que son père appréciait beaucoup. « Feen », en duo avec Princess Julianna, est beaucoup plus surprenant au premier abord. A priori, cette rencontre entre musique orientale et ce qu'on appelle actuellement R&B n'apparaît pas évidente. Pourtant, on ne tarde pas à se laisser convaincre, et le duo fonctionne bien. Surprenant, l'une des surprises réussies de l'album. « Hayati Inta » est ma préférée, sans hésitation. C'est un mélange de musique gnawa du Maroc et de musique sa'idi de Haute-Egypte, ces courants musicaux qui sont à la rencontre entre traditions orientales et africaines. Tout simplement envoûtant ! Le rythme très particulier de ce type de musique, le choeur qui reflète bien ce métissage, tout concourt à faire cette chanson un moment magique... « Ghanwah Bossanova » me convainc nettement moins, peut-être parce que je n'apprécie guère la musique brésilienne en général et la bossa nova en particulier. C'est le côté « piano-bar » de Natasha que je n'aime pas... Et je trouve qu'ici la rencontre n'est pas convaincante, dans le sens où on se contente de superposer un texte en arabe et une musique latino-américaine. Les mêmes remarques valent pour la chanson « Bab el Janna ». Mais là encore question de goût, après tout. « Bathaddak », à nouveau en duo avec Princess Julianna, par contre, est une autre de mes préférées sur l'album. Orientale égyptienne et très rythmée, elle surprend un peu par l'intervention en anglais de Princess Julianna, mais là encore le duo fonctionne bien. « Ana ana ana, ana bathaddak... » difficile de se la sortir de la tête. « Wahashni », avec son intro de qanûn1 et les mélopées de Natasha rythmées par des battements de mains, est une très belle chanson douce. Un beau moment dans cet album hétéroclite, et un régal pour ceux qui aiment le qanûn, un instrument au son magique dont nous reparlerons. A écouter au calme, en fumant une shisha, par exemple... « Haram Aleyk », orientale et qui culmine avec des percussions, est également l'une des réussites de l'album. J'avoue par contre ne pas adhérer du tout à « La Lil Khowf », avec Clotaire et Sofiane Saidi. Le mélange orientalisant avec du rap et de la pop occidentale ne m'a pas convaincu, et donne à mon avis quelque chose d'assez désordonné qui n'est pas une réussite. « Yariet », pour finir, chanson où la voix rencontre seule la guitare, n'est pas désagréable à écouter mais ne m'a pas totalement convaincu. Là encore, la rencontre juxtapose, et c'est un peu dommage. Ceci dit, la voix de Natasha sauve ici la mise. Pour moi, donc, un bon album donc dans l'ensemble (7 chansons qui plaisent à Nefred sur 10, c'est correct, hihi ! ) , dont vous pouvez écouter des extraits sur le site de promotion qui lui a été réservé sur le net. 1- Qanûn : cithare trapézoïdale dotée de 72 cordes métalliques, d'origine persane.