Exceptionnel à plus d'un titre, le site de Khirbat al-Mafjar est un complexe palatial fortifié qui se trouve près de Jéricho, dans la vallée du Jourdain, en Palestine. Il fut construit à l'époque omeyyade pour le calife Walid ibn Yazid (al-Walid II) , de 724 à 743. Il est surtout connu pour son exceptionnel décor de stucs et de mosaïques, qui mêle traditions byzantines et orientales d'influence sassanide, et laisse une large place à la représentation de la figure humaine, qui disparaîtra par la suite dans l'art islamique.
Construit en grès et en brique, l'ensemble comprend un palais à deux étages, une mosquée assortie d'une cour et des bains (hammam) dans lesquels se trouve une vaste salle d'audience. Le tout est entouré d'un mur d'enceinte. A l'est, sur toute la longueur, se trouve une avant-cour dotée d'une fontaine en son centre. L'entrée principale se fait par une porte qui est flanquée de deux tours sur le côté sud de l'avant-cour, puis par une seconde porte monumentale sur la façade est du palais. Une petite cour au nord mène au hammam, qui est la partie la plus ornée du site et fait son caractère exceptionnel. La mosquée se dresse du côté est.
Plan de Khirbat al-Mafjar : 1 - Entrée de l'avant-cour ; 2 - Fontaine au centre de l'avant-cour ; 3 - Entrée du palais ; 4 - Palais autour de sa cour centrale ; 5 - Cour entre le palais et le hammam ; 6 - Salle d'audience et hammam ; 7 - Cour menant à la salle d'audience et à la mosquée ; 8 - Mosquée.
Le hammam est orné d'une grande mosaïque qui forme un véritable tapis formé d'un ensemble de 39 panneaux rectangulaires ou circulaires ornés de motifs géométriques ; c'est la plus grande mosaïque connue pour cette période. La célèbre mosaïque de la salle d'audience présente un pommier à la gauche duquel se tiennent deux gazelles qui mangent ses feuilles, tandis qu'à droite une autre gazelle est attaquée par un lion ; la symbolique de cette oeuvre serait liée au rôle du calife omeyyade : les gazelles de droite représenteraient ceux qui vivent paisiblement sous la protection du calife (l'arbre), tandis que celle de gauche, refusant ce pouvoir, s'expose au danger. Le style des mosaïques est encore de tradition byzantine, laquelle se maintiendra durablement dans la région.
La grande mosaïque géométrique du hammam (détail). Cette grande mosaïque s'inscrit dans la lignée des modèles romains et byzantins, mais elle évoque aussi les précieuses étoffes de l'Orient.
La mosaïque des gazelles. Là aussi, la forme est à l'évidence byzantine, que ce soit dans le traitement de l'arbre ou des animaux. Mais le motif du lion dévorant un bovidé ou une gazelle est un classique de l'art perse.
Par contre, les exceptionnels décors de stuc témoignent d'une tradition plus proprement orientale, malgré le recours à certains motifs décoratifs empruntés au monde antique et byzantin. Il faut y voir la permanence de techniques et de traditions issues du monde sassanide, dont on sait qu'il fit un grand usage du plâtre dans le décor architectural. Une foule de personnages ornait le palais et les bains, des serviteurs, des danseuses et des servantes, ainsi que des animaux ; le calife lui-même est figuré par une grande sculpture, vêtu à la mode sassanide, reposant sur des lions. Tous ces décors de stuc étaient rehaussés de couleurs dont subsistent des vestiges sur certaines figures.
L'une des extraordinaires danseuses en stuc, de style typiquement oriental. L'art du plâtre dans cette région du monde remonte à la période Néolithique et atteignit l'un de ses sommets avec l'art sassanide, avant de se transmettre à l'art islamique, qui le porta à la perfection.
Une frise de perdrix en stuc peint, qui ornait la base de la coupole de la salle d'audience ; les oiseaux de style sassanide se détachent sur un décor de rinceaux et d'acanthes d'inspiration byzantine.
Cet ensemble est aussi appelé Qasr Hisham, car il fut construit sous le règne de ce calife. Selon certains, Hisham Abd al-Malik ( calife 724-743) aurait commencé le palais, qui aurait été achevé par son neveu et successeur, al-Walid II (743-744). En tout cas, le palais sera abandonné après 744.
La figure du calife, dans laquelle l'influence sassanide est très visible.
D'autres illustrations sont disponibles dans l'album "Temple de Ptah - Arts".