Lors d'une promenade à Toulon avec ma soeur, je viens de faire l'acquisition d'un ouvrage que je vous recommande vivement. Son propos est original : évoquer les voyages en Egypte dans une période comprise entre le milieu du XIXe s. et la veille de la première guerre mondiale, en prenant pour élément clé la dahabieh, bateau qui précéda les actuels bateaux de croisière. Le livre met en regard des textes laissés par des voyageurs célèbres et des gravures ou photographies de cette période. Avec d'intéressants commentaires des auteurs.
Nicole TUCCELLI & Gérard REVEILLAC, Le Nil en dahabieh - 1850/1914, éd. Paris-Méditerranée, Paris, 2001.
Les auteurs, justement... Nicole TUCCELLI est historienne et historienne d'art, qui avait une prédilection pour la peinture et l'architecture des XIXe et XXe s. Ayant passé deux ans en Egypte, elle a eu l'idée de s'intéresser à la vague orientaliste de cette période, sur la base de la peinture, bien entendu , mais en compulsant aussi la littérature à laquelle l'orientalisme a donné naissance. Gérard REVEILLAC, quant à lui, est photographe et historien de la photographie au CNRS. Lui aussi a vécu en Egypte et s'est particulièrement intéressé au lien entre photographie et archéologie. De la conjugaison de ces deux regards est né un ouvrage qui est à la fois passionnant par sa documentation et un plaisir pour les yeux, avec en particulier des photographies rares remontant aux années 1840.
Une dahabieh sur le Nil à la fin du XIXe s.
(Photographie G. Lékégian, Le Caire, 1898)
Etonnantes rencontres. D'abord entre ces voyageurs et le pays qu'ils découvrent. Un décalage entre deux réalités qui ne se comprennent pas toujours ; des voyageurs européens qui ne se déplacent pas sans amener avec eux leur propre vision du monde, et passent donc à côté de certaines réalités fascinantes du pays. Mais aussi d'autres voyageurs qui vont succomber à la magie du pays, et finalement consacrer leur vie à son patrimoine, certes, mais aussi se fondre dans cette terre. Ensuite, des photographies qui nous montrent une Egypte révolue qui ne manque pas de surprendre celui qui a vu les lieux comme celui qui les connaît à travers ses lectures. Voir le temple de Luqsor ou Abu Simbel tels qu'ils se présentaient au XIXe s. est une surprise de taille. De même que ces images d'un Nil qui n'était pas encore dompté et dont les crues rythmaient encore les saisons et transformaient les paysages.
Une dahabieh devant le temple de Luqsor en 1878
(photo F. Bonfils).
Cette promenade en dahabieh sur le Nil, c'est à la fois une Egypte rêvée, celle qui est vue à travers le miroir déformant du goût occidental pour l'orientalisme, et aussi, à travers les photographies en particulier, une Egypte inviolée d'avant le tourisme de masse. A travers le voyage proposé par les deux auteurs, on est amené à réfléchir sur la nature de la fascination qu'exerce sur nous l'Egypte, avec toute cette tradition de rêves et de fantasmes. Mais on se rend compte aussi que la magie qui opère est toujours la même. Et que depuis sans doute des temps immémoriaux, tous ceux qui sont un jour allés sur les rives du Nil n'en sont pas revenus indemnes : si le charme opère, on tombe toujours amoureux de l'Egypte !
Nous reviendrons à coup sûr sur certains aspects de cet ouvrage, qui est à coup sûr l'un des livres les plus originaux de la bibliothèque d'un égyptophile. Pour ce mouvement qu'est l'orientalisme, je vous recommande un article de notre amie Soleil-Rouge sur le sujet. Sur les dahabieh (dahabeya en arabe), voici un lien très intéressant fourni par nos amies ukhtî Anne-Marie et ukhtî Theti.