Ce monument est sans doute l'un des plus gracieux de shâri' el-Mu'izz li-Din Allah et l'un des plus beaux exemples de ce type de construction qui connut une grande vogue au Caire. Il fut bâti en 1744 par Abd er-Rahmân Katkhudâ, qui menait alors au Caire des travaux d'urbanisme et d'architecture ; émir mamlûk, il commandait les janissaires égyptiens. C'est à l'époque de Katkhuda que le Sabîl-kuttab commence à ne plus être obligatoirement intégré à un complexe (madrasa + mausolée + sabil-kuttab) et devient un élément architectural indépendant. Ce Sabil-kuttab offre une architecture très intéressante et un riche décor, visible depuis la rue grâce à sa position en saillie à un angle.
Il est constitué de deux parties essentielles. Une partie de deux niveaux, au sud, comprenant sabîl (fontaine publique) et kuttab (école coranique), et une partie de trois niveaux au nord, servant actuellement d'habitation. L'ensemble est décoré dans le style mamlûk, qui survécut longtemps dans l'architecture cairote après la conquête ottomane.
La partie composée de deux étages est au rez-de-chaussée ouverte sur trois côtés, en pierre grise et blanche incrustée de reliefs de marbre blanc, de grands arcs surbaissés reposant aux angles sur des colonnes engagées. Sur chaque face du sabil, un arc outrepassé polychrome fermé par des grilles ouvragées ouvre sur la rue. L'entrée est située à l'arrière, surmontée d'un riche décor. Au-dessus de l'entrée se trouve une inscription portant le nom de Ahl el-Kahf, comme sur de nombreux monuments de Katkhuda. A l'intérieur, la fontaine présente des carreaux de faïence imitant ceux d'Iznik, en Turquie. Le sommet du rez-de-chaussée s'orne de muqarna en encorbellement.
Le kuttab est à l'étage, se présentant comme un pavillon à deux niveaux ; il consiste en une charmante petite pièce, largement ouverte sur la rue par une galerie aux fines colonnettes de bois, dont le plafond sculpté et peint est soutenu par cinq colonnes de marbre. L'élément le plus remarquable de cette pièce est le travail du bois, avec une ornementation riche et variée d'inspiration ottomane : les mashrabeyya (ce que que nous appelons « moucharabieh »), la porte, le placard et le plafond à caissons sont de véritables chefs-d'oeuvre de la sculpture sur bois cairote.
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